Un symposium simplement intitulé « Complexité », organisé à l’Institut de science et d'ingénierie supramoléculaires (Isis) le 23 mai, célébrait le trentième anniversaire de la convention de partenariat entre l’Université de Strasbourg et l’Université de Tokyo Todai. Comment mieux célébrer l'anniversaire d'une convention entre nos deux universités qu'un symposium scientifique ? Comment mieux rendre hommage à ceux qui, jour après jour, font de cette convention non pas un document oublié dans une armoire, mais une relation bien vivante par l'échange stimulant de chercheurs, d'étudiants et d'enseignants ? Et puisque nos deux institutions visent à l'excellence académique, il nous fallait nous rencontrer à l’Isis. Cet institut n'est-il pas le véritable symbole de ce que nous construisons, patiemment, consciencieusement, dans l'idéal d'une recherche sans frontières ? Des sociologues nous disent que dans nos sociétés occidentales contemporaines, nous devenons adultes à trente ans.
Notre convention fête donc son entrée dans l'ère de l'accomplissement. La chimie, la médecine, la biologie, l'astrophysique, entre autres, furent à l'affiche de ce symposium. C'est en travaillant ensemble de plus en plus intimement et résolument que nous laisserons tomber les pont-levis que les hommes ont tendance à vouloir toujours, par peur et par idéologie, relever.
Complexité du vivant
Mais cette science ouverte, à mesure qu’elle avance, fait apparaître la complexité du vivant. Alors que les idéologies mortifères simplifient le monde pour mieux le dominer ; alors que les doctrines partout dans le monde prétendent apporter des réponses simples à des questions complexes, ce qui signifie tôt ou tard un totalitarisme, qu'il soit politique ou académique, nous osons affirmer, preuve à l’appui, que cette complexité est le fait même de la vie, du monde, des relations chimiques complexes autant que des relations entre humains.
En célébrant nos trente ans d’amitié, en nous disant que c’est compliqué, nous entrons dans l’âge adulte. Nous avons le courage d'assumer la complexité du monde et donc de la science. Au lieu de considérer cela comme un frein ou un handicap, nous en faisons l’aiguillon de nos recherches. Cette réflexion sur la complexité est indispensable au monde d’aujourd’hui. Ce ne sont plus les certitudes qui nous font avancer, mais notre familiarité toujours plus grande avec l’incertitude. Si nous avions vécu avec quelqu'un cent ans et si on nous demandait ce que nous pensons de lui sans pour autant trahir la complexité de sa personnalité, nous répondrions : « Je commence tout juste à le connaître. » Il nous reste donc au moins soixante-dix ans pour mieux nous connaître entre collègues de Strasbourg et de Tokyo. 2019 est la première année des soixante-dix ans à venir.
Michel Deneken,
président de l'Université de Strasbourg